Médecin et journaliste
A propos de cette entrevue
Il y a quelques mois, j’ai découvert sur Instagram, Laure, médecin et journaliste. Avant de vous présenter Laure, je vous donne un peu de contexte afin que vous compreniez pourquoi je l’ai choisie dans cette aventure : Je connais depuis l’âge de 13 ans, un parcours chaotique avec le monde de la médecine. A 13 ans, ce monde m’a volé une grande partie de ma vie. Alors, j’accorde ma confiance à très peu de professionnels de santé. En pleine gestion de ma mémoire traumatique durant cette année 2020, je lis les différents partages de Laure et ses chroniques “En gras sur l’ordonnance”. Fin septembre 2020, l’une de ses publications sera intitulée: “VERBALISONS”. Son post tombait ce soir-là comme un élan qui manquait à mon courage. Un mois après, j’écrivais une lettre, que vous pouvez retrouver dans mes articles de blog. Sur ce secret trop lourd à porter après toutes ces années. Je vois en Laure ce qui me manquait pour croire encore en ce monde médical. Elle explique la médecine aux jeunes et tous les sujets sont abordés. J’aurais aimé pouvoir trouver des réponses comme les siennes il y a vingt ans de cela. Je crois qu’avec elle, nous sommes sur la bonne voie.
Photographe à Besançon, j’ai réalisé ces portraits le 15 février 2021.
Pourrais-tu te présenter ? Quel métier exerces-tu ?
Je m’appelle Laure. J’ai 37 ans. Je suis mariée et maman de 3 enfants. J’ai une double casquette de médecin généraliste et de journaliste santé. Je fais ainsi de la prévention et de la vulgarisation médicale de manière très variée, c’est quelque chose qui me passionne.
Peux-tu nous présenter ton parcours professionnel ?
Le métier de médecin généraliste me faisait rêver depuis l’enfance. Je souhaitais devenir le docteur proche de ses patients, celle qui connaît leurs habitudes, leurs qualités, leurs défauts, celle qui fait un peu partie de la famille. C’est avec beaucoup de détermination que je me suis lancée dans cet (interminable) parcours. C’était un peu ça ou rien ! Originaire de Lorraine, j’ai poursuivi mes études à Nancy puis à Paris VI (La Pitié Salpêtrière), ma ville de cœur. Après ma thèse, je me suis installée à Besançon où j’ai travaillé en cabinet de ville ainsi qu’en PMI (Protection Maternelle Infantile). J’ai obtenu dans la foulée un diplôme de “Santé de la Mère et de l’Enfant “ (et de celle des pères aussi, j’ai envie de dire ) ainsi qu’un diplôme de journalisme médical, j’aime apprendre et je pense que l’on me retrouvera mamie sur les bancs de la fac. Par le journalisme, je cherche à rendre les patients acteurs de leur santé. J’ai chroniqué à plusieurs reprises en direct dans l’émission “La Maison des Maternelles” (France 4). Puis l’an dernier, j’ai créé la chaîne d’information médicale @lecoeurnet, que l’on retrouve notamment sur les réseaux sociaux (Instagram, Youtube, Facebook, TikTok). Elle regroupe mes interviews, chroniques et vidéos de vulgarisation médicale ainsi que des collaborations avec différents médias comme Curieux live (Instagram, Tiktok) et Dr Good, le magazine santé de Michel Cymes (Instagram et Facebook). J’ai réalisé une vidéo explicative du Covid qui a été relayée par plusieurs inspections académiques dans les écoles. Je viens également de lancer “140/minute” un podcast sur la parentalité et la périnatalité. Je fais coïncider depuis peu mon activité de journaliste avec celle de médecin généraliste en libéral, dans un pôle santé pluridisciplinaire que je viens de créer.
Que préfères-tu le plus dans ton métier ?
L’humain. Le contact. La confiance réciproque. Devenir une personne ressource, une personne présente dans les moments clefs de la vie des gens. Puis aussi la science et les enseignements sans fin ! On donne beaucoup quand on est médecin. Mais on reçoit aussi énormément. Les patients nous font grandir, et apprendre sur nous-mêmes et nos relations aux autres.
Quels sont les livres qui t’ont le plus marqué ?
Plusieurs livres m’ont marquée. Le plus fort serait “Le journal d’un vampire en pyjama” de Mathias Malzieu, chanteur du groupe Dionysos. Ce journal intime est le récit poétique, à la fois réaliste et onirique de son combat contre une aplasie médullaire. Combat gagné grâce à un don de sang de cordon. Je citerais aussi “La puissance de la joie” de Frédéric Lenoir, qui invite à revoir sa vision des choses pour une joie de vivre plus profonde. Enfin, un coup de coeur féministe pour la BD poignante “Simone Veil ou la force d’une femme” d’Annick Cojean.
Quels sont tes projets en cours ?
Je travaille actuellement à l’écriture du livre “Devenir Papa pour les Nuls” (Ed. First). Il sera coécrit notamment avec Benjamin Muller, journaliste de “La Maison des Maternelles” (France 4) et papa. Je réaliserai aussi prochainement des conférences pour le média “L’optimisme” fondé par Catherine Testa, auteur du bestseller “Osez l’optimisme”.
As-tu toujours voulu faire ce métier ?
Oh oui ! Cela remonte à l’enfance. Mon papa m’a sauvé la vie alors que je m’étouffais. Non médecin, ni soignant d’ailleurs, il a su garder son sang-froid pour réaliser les bons gestes. Cet accident m’a fait réaliser très tôt combien la vie est fragile et combien l’humain est capable de choses incroyablement belles… et avec rien d’ailleurs. Ce traumatisme m’a quelque part aidée à me construire et à voir les choses différemment. À 7-8 ans, je voulais sauver le monde bien sûr… Puis ce fantasme a évolué et l’aide des gens dans leurs problématiques de santé m’a paru plus accessible !
On donne beaucoup quand on est médecin. Mais on reçoit aussi énormément. Les patients nous font grandir, et apprendre sur nous-mêmes et nos relations aux autres.
Quelles sont tes passions ?
J’aime beaucoup le grand air. Les activités sportives outdoor me ressourcent et me canalisent : Balades en forêt, course à pied, ski, escalade, via ferrata, bodyboard… Je me passionne également pour les voyages. Ils permettent de prendre de la distance psychologiquement et physiquement, de rencontrer d’autres cultures, d’apprendre les coutumes et les habitudes d’autres pays, leur regard sur le nôtre. Il me tarde…
Peux-tu me donner des noms de personnes qui t’inspirent ? Et pourquoi ?
Le médecin et romancier Baptiste Beaulieu m’inspire beaucoup. J’aime le regard doux et plein d’humanité qu’il porte sur les gens ainsi que son militantisme accru contre le racisme, le sexisme et l’homophobie. J’ai beaucoup d’estime aussi pour le chef Thierry Marx, et son génie à faire de la cuisine un outil de réinsertion professionnelle. Enfin, j’adore Jamy Gourmaud, présentateur de l’émission “C’est pas sorcier” et aujourd’hui “Epicurieux” sur les réseaux. C’est pour moi le meilleur vulgarisateur que je connaisse. Puis il y a des inconnus du quotidien, ces patients qui font preuve de courage ou de résilience, qui m’inspirent malgré eux.
Dans quel lieu aimes-tu travailler (bureau, café, etc.) ? Et quel type d’organisation adoptes-tu ?
Pour ma pratique de la médecine, ça se passe dans mon cabinet de façon plutôt classique. A l’inverse, le journalisme me demande plus d’adaptation entre ma vie familiale et les voyages à la capitale. J’ai besoin d’un isolement sonore pour le travail d’écriture et je profite du moindre moment opportun pour travailler au casque. J’ai, chez moi, une pièce bureau-studio aménagée et décorée pour les captations et je profite du moindre trajet en TGV pour faire du montage ou peaufiner des rendus écrits. C’est un joyeux bazar organisé !
Quel est ton rapport avec les réseaux sociaux ?
J’apprécie les réseaux car ils permettent des rencontres impossibles. Il fédèrent aussi. Les mouvements #metoo ou #metooinceste par exemple mettent en lumière des problématiques passées sous silence voire méprisées. Je retrouve beaucoup de créativité chez certains jeunes sur Tiktok, je pense particulièrement à des danseurs comme Blurprint01 ou Salif_crookboyz5 … En revanche, les réseaux ne remplacent en rien les contacts humains directs, et j’en ai bien conscience. Ces médias nous accaparent et peuvent rapidement avoir une emprise sur nous. Et il y a malheureusement beaucoup de fake-med. En bref, un formidable outil, mais avec du recul et une juste mesure. D’ailleurs, à la sortie de l’école de mes enfants, je coupe !
Quel regard portes-tu sur ton parcours ?
Plutôt positif même si pendant mes études, j’ai songé abandonner 1000 fois! Je pense à mes grands-parents maraîchers, ils m’ont inculquée un réel sens du travail et de la famille. Je me sens chanceuse aujourd’hui car je me sens épanouie professionnellement et personnellement.
Le conseil que tu donnerais à une personne qui souhaiterait devenir médecin ?
Avoir beaucoup d’organisation et garder perpétuellement en tête l’objectif. Ne pas se laisser impressionner par les “doublants” ou étudiants qui jouent des coudes. Savoir prendre du temps pour soi et pour les personnes qui nous ressourcent. Avoir conscience que les études sont longues, mais se dire que c’est faisable et que le jeu en vaut la chandelle !
Tu as créé le podcast “140/minute”, podcast médical sur la périnatalité et la parentalité. Peux-tu nous parler de cette aventure ?
En participant à plusieurs reprises à l’émission de télévision “La Maison des Maternelles” (France 4), j’ai eu la chance de rencontrer et de me lier d’amitié avec Benjamin Muller, journaliste chroniqueur, ainsi qu’Anna Roy, sage-femme dans l’émission. Benjamin a proposé de produire ce podcast médical qui est une conversation spontanée entre Anna et moi sur différents sujets de périnatalité et de parentalité. Chaque épisode articule des témoignages de parents avec nos informations et conseils médicaux. J’ai accepté sans hésiter. J’étais flattée qu’il mette en lumière nos points de vue de mères et de soignantes.
Où enregistres-tu les épisodes de ton podcast ?
Nous enregistrons à Paris en one shot, en mode “pause café entre copines”. C’est à la fois détendu et en même temps, on aborde tous les sujets, légers ou lourds, sans tabou, que ce soit la pression, le sexe, la place du second parent ou l’infertilité par exemple.
Pour ceux qui ne te connaissent pas encore, “En gras sur l’ordonnance”, c’est quoi ?
Ce sont des petites chroniques-maison qui invitent à être acteur de notre bonheur. J’y fais une sorte de piqûres de rappel de choses à notre portée mais qu’on a trop tendance à laisser de côté. Je suggère donc de les appliquer au même titre qu’une prescription médicamenteuse classique. Je traite ainsi des bénéfices du rire, des différentes phases du deuil, des apprentissages des enfants, de la lecture, du rêve …
Combien de temps mets-tu pour réaliser tes vidéos Youtube, Tiktok etc ?
C’est très variable. Pour les vidéos Youtube, qui sont plus longues, ça peut me prendre plusieurs heures, entre le travail d’écriture, la captation et le montage. Pour les vidéos TikTok, il s’agit de formats très courts d’une minute maximum, je travaille donc de manière très spontanée. Dans les deux cas, je cite mes sources, c’est important pour moi que le résultat soit abouti.
Tu as fait des apparitions TV à La Maison des Maternelles, comment te prépares-tu ?
J’adore la TV, c’est un exercice qui me plait énormément ! En amont des émissions, je ressens systématiquement un mélange de stress et de surexcitation ! Je n’hésite pas à me lister les “messages indispensables” à faire passer aux téléspectateurs en fonction de la thématique abordée. Puis, une fois en place, les journalistes invitent clairement à la détente. Et moi, je m’imagine un peu comme en consultation plus intimiste et je fais rapidement abstraction de l’équipe technique, des lumières et des caméras. En quelques minutes, toute la pression s’envole et là, je profite !
Tu as également réalisé des interviews que l’on peut retrouver sur ta chaîne Youtube et sur Instagram. Peux-tu nous en parler ?
J’ai présenté ma première interview filmée pour l’obtention de mon diplôme de journaliste. Il s’agissait de celle de Marina Carrère d’Encausse, médecin et journaliste sur France 5. Elle a accepté de me recevoir au “Magazine de la Santé” et on a passé un moment à échanger toutes les 2. C’était un exercice complètement fou pour moi. Marina a été très accueillante. J’ai pris plaisir et j’ai renouvelé ça avec des personnalités connues ou inconnues du grand public. Avec les confinements, j’ai dû continuer malheureusement à distance, avec une application vidéo. Ça enlève le charme de la rencontre, mais ça simplifie aussi les démarches. Ce sont des itw courtes de 4-5 questions où je traite de problématiques de santé et d’éducation. J’ai pu rencontrer ainsi Laure Manaudou (sport et maternité), Mathias Malzieu (don de sang de cordon), Charlène @kangouroo_girl (stomie et estime de soi), Maël (transidentité), Pauline (harcèlement), Grégoire ou @Majormouvement (hypersensibilité et haut potentiel) et beaucoup d’autres.
De quoi rêves-tu pour la suite ?
Mon rêve le plus fou serait de présenter une émission santé à la télé ou sur le web. Le magazine scientifique “C’est pas sorcier” me fascinait petite. Je les regarde aujourd’hui avec mes fils. J’adorerais animer une variante médecine pour petits ou grands. Un jour peut-être ?
Les photographies de Laure Geisler